Ma ville organise une opération Zéro déchets.
Je suis sensible à notre empreinte écologique donc cela m'a interpelée. Cependant le terme "zéro" me gêne. "Zéro" me renvoie à "Absolu" et donc à "Irréel".
Alors, si, ça existe dans le réel : on m'a expliqué que des émissions télévisées montraient des gens qui vont en magasin avec leurs bocaux vides pour les remplir.
Je me suis dit que j'allais faire ça. Puis je me suis dit : "J'attends rarement d'être en rupture pour réapprovisionner, donc mes bocaux ne seront pas vides. Soit je dois tarer la balance du magasin, il faudra que je demande à un employé. Il devra rester avec moi pendant toutes mes pesées pour attester que je n'ai pas volé le delta entre le contenu et ce qui figure sur l'étiquette. Soit je dois acheter d'autres bocaux mais ça va me prendre de la place et est-ce écologique d'acheter des objets dont je n'avais jusqu'alors pas besoin ? Et cerise sur le gâteau, tous ces bocaux, en verre, pleins, seront lourds or je ne peux porter que 5 Kg à la fois et il y aura le reste des courses."
Très fatigant rien que d'y penser.
A ce stade, je me suis remémorée mon ami Pareto !
"Agir sur 20% de causes permet de résoudre 80 % du problème".
Et surtout "Ne pas passer 80% de l'effort sur les 20% restants".
D'habitude, j'achète en vrac avec des sachets en papier que je réutilise. Quand ils sont vraiment percés, déchirés, je les mets dans la poubelle pour le recyclage du papier. Avec très peu d'efforts, je ne pollue (presque) pas la planète.
Me concernant, les bocaux à emmener dans le magasin, ce sont les 80% d'efforts pour les 20% restants et là je dis STOP.
STOP car c'est justement ce gros effort fourni pour atteindre le ZÉRO DÉCHETS qui peut amener les personnes adeptes de cette démarche absolue à éprouver un mélange d'incompréhension et de colère vis-à-vis de ceux qui choisissent de ne faire que les 20% les plus efficaces.
Ça peut être la préparation d'un quatre quart en dix minutes puis une heure de décoration et le/la cuisinièr(e) va reprocher aux convives de ne pas s'être suffisamment exclamés devant la beauté du gâteau.
Ça peut être un dossier professionnel rendu sans fautes, parfaitement paginé, magnifiquement relié et l'auteur nourrit une amertume grandissante car ses collègues ne sont pas moins bien vus que lui alors qu'ils rendent des dossiers largement moins bien ficelés que les siens.
Ça en devient religieux. La personne a oublié qu'un jour, en toute liberté, elle a décidé de faire régulièrement un effort sur tel ou tel point. Et même si elle a en elle une compulsion perfectionniste, elle reste libre de ses actes.
Je compare cela à la religion car un ami musulman m'a expliqué la différence entre l'interdiction de manger du porc et la proscription de boire de l'alcool.
Ne pas manger de porc est inhérent à la religion musulmane. En manger signifierait "Je ne suis pas musulman".
Ne pas boire d'alcool est une proscription. Constat a été fait que l'alcool désinhibe et conduit parfois à des comportements inappropriés, notamment irrespectueux. Cela est contraire au comportement respectueux que préconise l'Islam. Donc l'alcool est banni dans le sens fortement déconseillé.
Lorsqu'on réalise des efforts importants de manière soutenue en constatant que peu de gens font de même, on peut être tentés de se rapprocher de ceux qui font cet effort, pour louer ensemble notre pseudo-religion et critiquer les mécréants.
Vous l'aurez compris, il peut être intéressant de se demander dans quels domaines nous échappons à la loi de Pareto et versons dans une recherche d'absolu. Car l'isolement (serait-ce l'isolement d'un groupe) et l'amertume sont de terribles poisons.
Plus de pistes...
...pour tous :
Certains exigent d'eux-mêmes et des autres qu'il n'y ait aucune faute d'orthographe nulle part. Or le cerveau ne fait mentalement qu'une chose à la fois. Soit il pense à ce qu'il veut exprimer (le message) soit il analyse le contenu et cherche les fautes. Dans un échange informel avec famille ou amis, il peut paraître raisonnable d'accepter de rester dans les 20% efficaces, à savoir : le message que je veux faire passer. Il y a donc un juste milieu à trouver entre le langage texto et la langue pure sans aucune faute. Quand il s'agit d'un contexte où l'image que l'on va renvoyer est importante (recherche d'emploi, prospection clientèle...), cela vaut le coup d'aller un peu plus loin que les 20% d'effort. Dakor ?