Je passe devant un jardin public et vois un petit garçon d'environ 4 ans, immobile, les yeux dans le vague alors que des dizaines d'enfants s'amusent sur les agrès.
Il est à côté de qui je suppose être son grand-père, il attend. Son grand-père est totalement absorbé par son smartphone. Ils sont tous les deux debouts, immobilité et silence remarquables au milieu de l'agitation et des cris. Le petit garçon a la gestuelle des personnes qui attendent. Son corps ne bouge pas mais sa tête cherche à s'occuper. Il regarde son grand-père, puis les autres enfants, puis le vide et ainsi de suite.
Quand je repasse 45 minutes plus tard, je n'en crois pas mes yeux : la scène est identique ! Le grand-père a toujours le visage penché sur son téléphone et le petit garçon attend sagement. Je suis triste et en colère. J'ai envie d'aller jouer avec le petit garçon et surtout de lui offrir mon regard, de planter mes yeux dans les siens, qui lui diront d'eux-mêmes : tu existes et tu as du prix.
J'ai regardé le documentaire Netflix Derrière nos écrans de fumée.
Ceux-là même qui ont créé tout ce à quoi nous sommes plus ou moins addicts se rendent compte avec effroi des conséquences sur nos relations à petite échelle (communication au sein d'une famille) et à grande échelle (développement de la haine, fragilisation des démocraties).
Et... élément déclencheur de cet article : les automutilations et les suicides chez les jeunes, dont les chiffres étaient stables depuis que des statistiques sont enregistrées, augmentent considérablement depuis 2011 et concernent des personnes plus jeunes qu'auparavant.
Ces anciens employés de Facebook, Pinterest, Google etc nous invitent à :
entretenir de véritables discussions pour dire ouvertement ce que nous pensons de nos vies sur les écrans ;
- désinstaller les applis mobiles chronophages (notamment actualités et réseaux sociaux) ;
- désactiver les notifications ;
- remplacer Google par Qwant ;
- ne pas visionner les vidéos recommandées par YouTube, les choisir soi-même ;
- avant de partager une publication, vérifier les sources (si une publication est susceptible de déclencher de l'émotion, c'est peut-être une info fausse) ;
- varier les sources d'infos.
Voici leurs recommandations spécifiques pour les parents :
- pas de mobile avant le lycée (c'est possible, c'est ce que j'ai imposé à mes enfants, ils ont survécu et moi aussi) ;
- pas de mobile dans la chambre après une heure convenue le soir et au moins une demi-heure avant le coucher (même remarque qu'au-dessus) ;
- pas de réseaux sociaux avant d'aller au lycée ;
- "Combien de temps veux-tu passer sur l'écran par jour ?" (en général, réponse raisonnable) et aider le jeune à s'y tenir ;
- supprimer certains comptes de réseaux sociaux.
Un jour, la fille lycéenne d'une amie m'a dit : "Je n'arrive pas à m'empêcher de regarder mon portable. J'ai du mal à faire mes devoirs à cause de ça, c'est plus fort que moi. J'aimerais parfois que maman me confisque mon portable."
De mon côté, il est arrivé que je confisque le mobile de ma fille lycéenne pour une durée de une à trois semaines. Une fois passé le tsunami de colère, elle s'est mise à cuisiner, à dessiner et était beaucoup plus agréable à vivre.
Sadhguru a écrit en 2020 "La seule chose qui vous sépare de votre bien-être est un simple fait : vous avez laissé vos pensées et vos émotions suivre les instructions venant de l'extérieur plutôt que de l'intérieur."
Nous laissons notre mental être stimulé et se développer à outrance par toutes sortes de sources extérieures alors que notre mental n'est pas nous (si vous n'êtes pas à l'aise avec cette notion, je vous conseille de lire Le pouvoir du moment présent d'Eckart Tollé).
En 2021, je vous souhaite d'être simplement VOUS, d'être UN, d'être BIEN. Bonne année.